Me, myself and I
Si je me souviens bien, la première fois que j’ai été confrontée au mot utopie, c’était lorsque j’avais une dizaine d’années. La lecture a souvent été pour moi synonyme de cauchemar à cause de ma dyslexie. J’avais du mal à lire longtemps sans m’endormir de fatigue. C’était une véritable contrainte. Mais les livres ont tout de même été très présents dans la construction de mon imaginaire, grâce à ma sœur, par le prisme de l’oralité. Elle me racontait, le soir pendant les vacances scolaires, les livres qu’elle lisait durant la journée. Il y était souvent question de mondes imaginaires, magiques, où tout ce que l’on souhaite se réalise. C’est comme ça que j’ai découvert l’utopie. Plus tard, j’ai pourtant réussi à lire un livre en entier. Il m’avait été offert par ma mère, en réponse à mes questionnements d’adolescente sur mon apparence et sur l’image que je renvoyais aux autres. C’était un roman, récit d’une utopie : un monde “parfait” où tout le monde est physiquement “parfait”. Mais quelque chose clochait, je ne me retrouvais pas dans la vision de la beauté qui y était dépeinte. Au fil de la lecture, comme les personnages, j’ai découvert les anomalies d’un système qui se veut utopique, ses limites, sa violence parfois. J’ai découvert la notion de dystopie. J’ai compris qu’une utopie est personnelle, qu’elle correspond seulement à la personne qui l’imagine. Et bien qu’il y ai aussi des utopies collectives, qui regroupent un certain nombre de personnes (comme le désir d’un monde plus sain pour tous), elles ne sont jamais universelles, et impliquent des contraintes et des sacrifices, inévitablement. Aujourd’hui, j’ai compris que les utopies apparaissent pour contrer un aspect de nos vies qui ne nous plaît pas, que ce soit sur le plan politique, social ou environnemental. Elles apaisent nos frustrations, soignent nos regrets, calment nos déceptions, à travers le prisme de l’imaginaire et de l’espoir. Et c’est cette dimension libératrice et apaisante de l’utopie qui me parle aujourd’hui. Je continue à croire en la force des contes de fées, et j’ai gardé mon regard d’enfant sur ces mondes rêvés. C’est pour cela que parfois, quand je pars en vacances avec ma sœur, elle me raconte encore les livres qu’elle lit.